OSTÉOPATHIE

Par Arnaud TESSIER avril 2020

Un petit mot pour remercier Arnaud de sa riche contribution 

Arnaud fait partie de l'équipe nantaise depuis de nombreuses années. Il s'astreint non seulement à se maintenir au meilleur niveau de sa discipline, à prodiguer au mieux de ses compétences des soins les plus adaptés à ses patients, mais aussi à participer bénévolement aux consultations pluridisciplinaires triménsuelles et au staff video .

Ancien Rugbyman pro , ancien prof d'EPS, il a su opérer une reconversion des plus étonnantes, Passant du statut d'apprenti à celui d'enseignant et thérapeute.

Place et intérêt d'un traitement ostéopathique dans les douleurs abdomino-pelvi-périnéales chroniques

Arnaud TESSIER avril 2020


L'Ostéopathie aujourd'hui est reconnue par l'OMS[1] et comme compétence professionnelle depuis 2002 en France.[2]

Elle est née aux USA en 1874 (Tricot,1999) où elle est enseignée de nos jour à la faculté de médecine. C'est une spécialisation dans le parcours universitaire des médecins depuis 1974. Son enseignement en France est réalisé par des écoles privées agréées par l'État sous l'égide du Ministère de la santé.

A la fin du XIXème siècle, le Docteur A.T.Still, médecin et chirurgien militaire est atterré par la mort de ses patients face aux épidémies infectieuses malgré ses soins. Il réagit après la perte de 3 de ses 7 enfants de méningite cérébro-spinale ainsi que celle de sa femme afin d'améliorer sa prise en charge clinique. Par ailleurs ingénieur mécanique et hydraulique (d'où l'emploi courant dans ses écrits du terme « fluide » pour « force de vie ») (Liem et Dobbler, 2007) il va se baser sur la recherche de l'époque et le principe émergent de son contemporain Claude Bernard, l'homéostasie.

Puisque tous les échanges physiologiques corporels tendent à conserver l'état de santé à l'équilibre, il se dit que toutes restrictions de mobilités articulaires, toutes tensions viscérales ou musculaires ou ligamentaires tendent à restreindre l'afflux de sang dans les tissus et donc à perturber ces échanges bienfaiteurs. On ne meurt que d'une chose c'est d'anoxie cérébrale ! Ainsi, pour lui, une pathologie est un dysfonctionnement des règles harmonieuses naturelles. Le retour vers l'équilibre, l'état de santé, ne peut se faire qu'en redonnant du mouvement aux structures anatomiques dysfonctionnelles. Le premier principe fondateur de l'ostéopathie baptisé « règle de l'artère » est posé : rendre la mobilité aux structures anatomiques afin de favoriser et de retrouver des échanges physiologiques de qualité en considérant le principe d'homéostasie et d'auto-guérison du corps. (Trowbridge, 1991)

Le deuxième principe de l'ostéopathie se base sur l'interaction entre structure et fonction au sein du corps humain. Affecter la structure c'est modifier la fonction. L'inverse est aussi vrai et cette idée sera démontrée par un des élèves de Still, le Dr J.M.Littlejohn (Wernham, 1974). Changer la structure d'une articulation et sa fonction en sera perturbée (exemple de la boiterie de l'enfant suite à une épiphysiolyse) mais altérer la fonction et la structure se modifiera comme en témoigne l'évolution morphologique du muscle piriforme chez les patients traités par toxine botulique (Al-Al-Shaikh et Parrate, 1995). Still va alors ré-étudier l'anatomie et ses variations ainsi que l'ajustement et la modification structurelle (notamment des os) suite à des traumatismes afin que le corps puisse fonctionner au mieux et à l'économie. L'étude des radiologies et de l'orientation des trabécules osseuses et de leur continuité observable notamment au niveau du col du fémur puis de l'os iliaque conforte cette idée que la structure s'adapte à la fonction et inversement. « Anatomie, anatomie, anatomie » (Comeaux 2016) deviendra le credo sans cesse répété par Still à ses élèves durant ses enseignements. Sur ce principe d'interrelation de la modification structure/fonction une compression mécanique s'appliquant à vasonervorum peut entraîner un dysfonctionnement musculaire, des douleurs, un syndrome myofascial, une modification de la posture d'évitement de la douleur. A l'instar du conflit canalaire au niveau de canal carpien, un conflit au niveau de la pince ligamentaire ligament sacro-épineux/sacro-tubéral au niveau de la fesse peut avoir de douloureux retentissement au niveau pelvipérinéal notamment dans le territoire du nerf pudendal (Labat, Riant, Robert, 2008). Une structure saine remplie toute les fonctions pour laquelle elle a été conçue, lever les tensions qui s'imposent sur elle c'est permettre un retour vers un équilibre plus acceptable.

Dans le domaine de l'architecture, le principe de tenségrité exprime cette faculté d'un système à stabiliser sa structure en épuisant le jeu des forces et des tensions qui s'imposent à lui en se déformant. A chaque nouvelle contrainte, une nouvelle déformation. A chaque nouvelle déformation, un nouvel équilibre, une nouvelle auto-contrainte stabilisatrice vers un nouvel équilibre supportable. Si Buckminster Fuller est reconnu comme l'inventeur de ce principe (Pugh. A ,1976), il sera scientifiquement démontré en France par le chercheur montpelliérain René Motro dans les année 80 (LMGC, 2005). Ce principe architectural est applicable au corps humain de la structure du squelette jusqu'au cytosquelette, du muscle multifidus aux microtubules des tissus conjonctifs. Le corps soumis à une contrainte mécanique (dysfonction primaire) se déforme jusqu'à recréer un équilibre plus supportable. C'est ainsi qu'une dysfonction primaire peut engendrer des dysfonctions secondaires fonctionnelles qui parfois peuvent même devenir plus prégnantes que la primaire (Beer Gabel Marc, Nice 2015 - convergencePP). Une clunéalgie inférieure (dysfonction primaire) provoque une douleur qui se majore en position assise. Afin d'éviter celle-ci, spontanément les patients vont modifier leur position assise en inclinaison rachidienne controlatérale à l'ischion atteint entraînant d'autres dysfonctionnements comme un syndrome myofascial pelvien ou, indirectement, une dysfonction intervertébrale mineure (dysfonction secondaire) associée à une contracture musculaire du psoas-iliaque et/ou du multifidus... Lever ces dysfonctions n'est pas gage de maintien des modifications si la dysfonction primaire persiste. C'est sans doute une des raisons de récidives des D.I.M thoraco-lombaires après traitement par thérapie manuelle. Dans ce cas précis, ces dysfonctions secondaires sont adaptatives. Leur traitement permet d'améliorer le patient en terme de mieux être mais pas de guérir ! Par contre lorsqu'un D.I.M. thoraco-lombaire est la dysfonction primaire d'une douleur projetée dans le territoire inguinal, son traitement peut faire disparaître une douleur présente depuis fort longtemps et récalcitrante aux antalgiques. Le Pr. Maigne (rhumatologue et pionnier de la médecine manuelle en France) indique : « Deux catégories de douleurs peuvent être soulagées ou en partie soulagées par les manipulations. La première concerne les maux vertébraux variés (torticolis, cervicalgies, dorsalgies, lumbagos, sciatiques...), tels qu'il en survient après un accident, un traumatisme, un faux mouvement, etc. Dans la seconde catégorie s'inscrivent des affections dont la relation avec la colonne vertébrale n'est pas évidente mais auxquelles les manipulations remédient avec tant de constance et de régularité qu'elles en ont authentifié l'origine vertébrale. C'est le cas de certaines douleurs de l'épaule, du coude, de la plupart des maux de tête habituels, et les manifestations trompeuses qui imitent les douleurs digestives, gynécologiques, etc. »[3]. Le Dr Salmochi médecin spécialisé en médecine physique et orthopédique de la clinique Du Parc de Lyon explique l'effet « à distance » d'une manipulation vertébrale, en modifiant les forces de compression par un impact sur les articulaires postérieures des vertèbres en restriction de mobilité modifiant les leviers de forces comme les digitations du muscle multifidus permettant un nouvel équilibre et une nouvelle adaptation aux contraintes. En levant certaines tensions, en agissant sur les tissus, l'ostéopathe modifie les contraintes structurelles pour recouvrir un autre équilibre, plus tolérable d'un point de vue symptomatique, plus optimum d'un point de vue fonctionnel (Salmochi, 2005). L'ostéopathie ne peut pas soigner la patiente atteinte d'endométriose mais l'accompagner vers un mieux être en minimisant ses tensions mécaniques par accumulation des contraintes secondaires. Cela ne peut que contribuer au retour vers une situation plus tolérable quotidiennement.

Si, après un protocole thérapeutique ostéopathique, il s'avérait que celui-ci soit jugé bénéfique par le patient mais que transitoirement, que les dysfonctions secondaires revenaient cycliquement avec une localisation identique, proposer une prise en charge posturale s'impose. Son efficacité a été démontrée dans le cadre de douleurs pelviennes chroniques (Iacazio. S et al.). Toute économie d'énergie obtenue car non dépensée à lutter contre la douleur pourra être réinvesti ailleurs dans d'autres projets.

Le troisième principe fondateur de l'ostéopathie est issu de cette vision du corps dans sa globalité. L'ostéopathie a une vision holistique du patient. Le symptôme est considéré comme une réaction du corps s'intégrant à plus global. Un symptôme est une contrainte qui s'exprime, un conflit sans solution spontanément acceptable entraînant une réaction tissulaire d'alarme signifiant un écart par rapport à l'équilibre d'homéostasie. Le corps est considéré en ostéopathie comme une entité fonctionnelle indivisible au sein de laquelle tout est en interrelation. Quand un des sous-systèmes dysfonctionne c'est tout le système qui en est affecté. Par conséquent s'il existe bien un motif de consultation symptomatique c'est au corps en entier que l'ostéopathe va s'adresser en le testant à la recherche d'une cohérence dans le désordre établi par la perturbation si elle est pathologique. Ensuite l'art thérapeutique sera d'établir un axe de traitement des dysfonctions retrouvées et de les traiter en utilisant des techniques appropriées au patient et à sa pathologie. Parfois Il se peut qu'il soit préférable de ne pas traiter certaines dysfonctions qui sont établies par rapport à la norme. Si l'on teste le mouvement des côtes d'un scoliotique adulte et qu'on compare leur mouvement par rapport aux non-scoliotiques définis comme « normaux », beaucoup de côtes sont en dysfonction. Si l'on considère que le traitement doit être un retour vers la norme il faudrait traiter beaucoup de côtes d'un scoliotique ce qui n'est évidemment pas souhaitable car leur dysfonctionnement est une conséquence de la rotation des corps vertébraux imposée par la scoliose via les articulations costo-vertébrales. Si le patient n'en souffre pas il est urgent de ne rien faire ! Lorsque qu'un tel patient souffre de névralgie intercostale, le test des mouvements de l'étage costal dysfonctionnel devra se référencer au schéma de fonctionnement habituel du patient, défini par celui de ses côtes sus et sous-jacentes si elles sont asymptomatiques. Ainsi le thérapeute doit prendre en considération les tares du patient dans son traitement au même titre qu'un médecin prendra en compte toute interaction médicamenteuse possible comme contre-indication. Une des limites scientifiques de l'ostéopathie est d'avoir, dans sa volonté de légitimité, réfléchit sur des modèles explicatifs empiriques qui se sont révélés comme faux par l'évolution de l'imagerie. Pourtant, en réaction à ces dysfonctionnements, les techniques développées ont apportées de vraies solutions aux patients comme le soulignait plus haut le Pr Maigne.

Cette vision de la globalité du corps s'oppose au dualisme cartésien de Descartes, auteur de « De homine » en 1662, souvent considéré dans l'histoire de la médecine comme l'un des premiers ouvrages de physiologie[4]. Descartes sépare in fine le corps et l'esprit comme deux entités différentes donc opposables ce qui va influencer toute l'histoire de la médecine, de la psychologie et du douloureux chronique jusqu'à nos jours. Le traitement du douloureux chronique est tout autant lié à la psychologie et à la perception du patient (cf. les biais informationnels et traitement de la douleur chronique du Dr Quistrebert-Davanne) qu'aux structures anatomiques atteintes, qu'à la physiologie par l'intercommunication des systèmes neurologiques... bref au patient tout entier.

A propos de cette intercommunication des systèmes et de la répercussion sur la globalité du corps, certains dysfonctionnements naissent de cette intercommunication. C'est par exemple l'hypersensibilisation pelvienne (Levesque A, 2016) qui peut devenir centrale. Elles sont intimement liées au système nerveux neurovégétatif. Une hypersensibilisation pelvienne peut devenir « Le » dysfonctionnement principal à juguler avant toute autre dysfonction, même « La » primaire, tant la douleur est vécue comme une agression en tant que telle. Tout geste chirurgical thérapeutique pratiqué dans ce contexte serait aggravant à l'instar d'une rééducation trop « agressive » sur une entorse de cheville ou une fracture de l'épaule. Cela peut entraîner un syndrome douloureux régional complexe de type 1[5] car vécu comme une agression par le corps du patient. Il existe des liens neurologiques orthosympathiques, inflammatoires, immunitaires avec la région douloureuse et la peau (métamérisation et dermatomes). Celle-ci reste très sensible au toucher. Afin qu'il soit thérapeutique il faut qu'il soit « éduqué » à ressentir et comprendre ce qui se passe pour agir efficacement. C'est ce que Sutherland W. G, un ostéopathe fondateur de l'ostéopathie crânienne, va appeler « les doigts pensants » (Sutherland, 2002).

Le dernier principe fondateur de l'ostéopathie est qu'on ne traite pas une maladie mais un patient. Il découle des principes précédents mais intègre l'histoire du patient à l'anamnèse afin d'établir un possible continuum dans l'évolution des contraintes débouchant sur un état symptomatique inacceptable. Comment rétablir l'équilibre, comment ramener le système vers un état de santé acceptable ? Cela introduit aussi une vision plus orientale du concept de santé du patient avec la volonté de la conserver et de voir en consultation un patient avant que son état ne se dégrade ou devienne symptomatique. Quel patient va voir son généraliste alors qu'il n'a rien ? Cette vision qui a un coût est classable dans la prévention des risques, c'est un investissement à long terme.

Le fait qu'il soit possible aujourd'hui de consulter un ostéopathe sans prescription médicale impose aux praticiens de cette thérapie manuelle d'avoir constamment en tête l'ensemble « des drapeaux rouges » (Cf Dr Riant) pouvant nécessiter une réorientation vers un médecin et une prise en charge haddock. Dans le sujet qui nous intéresse aujourd'hui, les urgences sont rares du fait du caractère chronique de la douleur. Citons tout de même le syndrome de la queue cheval. C'est l'évolution par aggravation brutale des symptômes dont il faut particulièrement se méfier comme des réveils nocturnes « denovo » dus à la majoration de l'intensité douloureuse.

A partir des douleurs abdomino-pelvi-périnéales c'est tout l'univers du patient qui doit être investigué à l'anamnèse. C'est la garantie d'une prise en charge professionnelle sérieuse du douloureux chronique et de ses spécificités avant de réaliser les tests de mobilisation. Souvent une redéfinition des objectifs thérapeutiques est nécessaire. Elle se doit d'être claire et de ne pas garantir l'inatteignable. C'est le meilleur moyen d'obtenir des résultats objectivables. Il est impossible de promettre qu'il n'y aura pas d'effets secondaires mais ils restent transitoires (deux à trois jours). (Barry, Falissard, 2012), ils sont généralement peu intenses et imputables à la stimulation du système nerveux végétatif via le derme. Chez les patients hypersensibles cela peut perdurer un peu plus longtemps. Ils se caractérisent par des sensations de courbatures et une légère majoration de l'intensité douloureuse neurovégétative. Il ne faut pas oublier de les mentionner au moment des conseils en fin de séance.

Pour éviter toute désillusion et désappointement en cas d'échec du traitement, la refonte des objectifs thérapeutiques est nécessaire comme dans toute consultation douleur car rien n'est garanti. L'établissement d'un climat de confiance ne peut passer que par un dialogue initial et la considération de la situation objective du patient à partir d'une sensation subjective, la douleur.

Une séance complète d'ostéopathie avec des douloureux chroniques dure à peu près 45 minutes, plus ou moins selon les praticiens... et parfois des patients !

Toute thérapie manuelle est forcément manipulo-dépendante du praticien. Si le praticien traite tout le corps il ne doit pas oublier le motif de consultation. Ne pas investiguer la zone douloureuse à un moment ou l'autre de la séance serait incohérent pour le patient. Toutefois, cantonner une prise en charge ostéopathique de ses patients à la résolution des problèmes mécaniques de la zone douloureuse serait réducteur. Elle est nécessaire mais pas uniquement. Cet objectif serait trop loin des principes fondateurs de l'ostéopathie décrits plus haut.

S'il est maintenant acquis qu'un ostéopathe manipule le rachis par exemple pour résoudre dysfonctionnement de la charnière thoraco-lombaire ou « syndrome de Maigne », les patients ont du mal à comprendre comment il est possible d'agir sur les viscères, l'hypersensibilisation... Le praticien doit alors pouvoir justifier par des mots compréhensibles pour le patient ce qu'il fait ou ce qu'il cherche à faire par ses techniques. Une des caractéristiques des patients douloureux chroniques est qu'ils ont peur d'avoir plus mal ! Par conséquent l'emploi de techniques définies comme « douces » par le patient est le meilleur moyen de le faire adhérer à son traitement pour plus d'efficacité thérapeutique. La prophylaxie est aussi l'objectif des conseils d'étirements indispensables (Gómez-Hernández M et al. Dec 2019) qui doivent être donnés en fin de séance. Au même titre encourager le patient à prendre en charge sa vie physique par une pratique sportive (Poli-Neto OB et al. 2019) et un renforcement musculaire adaptée (A. Andrade et al. 2019), donc encadrée, ne peut être que salutaire comme le prouve les résultats des études scientifiques sus-nommées dans le cadre des douleurs chroniques.

Les techniques « douces » sont plutôt répertoriées dans la grande famille des « techniques ostéopathiques fonctionnelles ». C'est d'emblée à priori le bon choix. Cela permet d'obtenir un relâchement du patient. Si ces techniques s'avéraient efficaces pourquoi en changer ? Par contre, dans le cas inverse, il serait justifier d'employer d'autre techniques telles que celles répertoriées dans la famille structurelle. Elle ne sont pas plus douloureuses mais plus directes et rapides, souvent décrites comme moins « agréables » par le patient.

Dans la famille des techniques fonctionnelles, on retrouve le tissulaire, la fascia-thérapie, le crânio-sacré (dont l'efficacité sur les douleurs chroniques vient d'être reconnue (Haller.H et al. 2020), l'ostéopathie crânienne, les techniques de raccourcissement musculaire, de motilité viscérale, les techniques de Jones (A.Dixneuf 2013)... Dans la famille des techniques structurelles on retrouve les techniques de mobilisations articulaires par HVBA (haute vélocité basse amplitude), par considération des paramètres mineurs, les techniques d'énergie musculaire de Mitchell, les techniques d'étirements musculaires...

Si le bassin est la somme et la résultante des contraintes biomécaniques montantes et descendantes, l'anneau articulaire pelvien est primordial dans toute prise en charge ostéopathique (Liévois,2005). Au-delà de l'harmonisation de ses 5 articulations qui le constituent, l'anneau pelvien, est soumis aux contraintes musculaires, mais aussi viscérales et vasculaires dues à la pesanteur et la bipédie de l'homme.

Le but de tout traitement en ostéopathie est de restituer le mouvement biomécanique des différents liens anatomiques en rapport avec le motif de consultation du patient. Après l'anamnèse et les éventuels tests différentiels un diagnostic ostéopathique est réalisé. Les tests articulaires, musculaires, viscéraux sont en premier lieu globaux puis de plus en plus analytiques afin d'établir le système de fonctionnement du patient. Des renseignements précieux peuvent être tirés de la simple observation clinique comme celle de la marche, de la posture debout comme assise du patient. L'examen clinique est la source de renseignements de l'ostéopathe.

Les tests sont comparatifs, bilatéraux, afin d'évaluer le degré de liberté des mouvements articulaires et de chaque os, de chaque muscle, en partant, par exemple, des pieds pour remonter jusqu'à la tête. Chaque patient étant anatomiquement différent, chaque histoire de patient étant personnelle, l'ostéopathe se doit d'aller chercher des raisons de souffrance de certains tissus ou articulation afin de sélectionner ses tests pour se garder suffisamment de temps pour traiter les dysfonctions. Un dysfonctionnement d'une cheville peut s'expliquer par une entorse mal soignée et entraîner une modification de la démarche imposant des contraintes mécaniques ascendantes jusqu'à des contractures au niveau des muscles pelvi-trochantériens par exemple. On n'est plus dans le traitement de la douleur chronique pelvienne directement mais force est de constater qu'il existe un impact de ce facteur sur les contraintes mécaniques du bassin. Autre exemple, à partir d'un résultat d'amplitude articulaire différente au niveau d'une articulation coxo-fémorale ayant un mouvement en rotation externe favorisée, comparativement à son homologue controlatérale. Cela impose la nécessité de tester (entre autres) les muscles piriformes de chaque côté. Une contracture de l'obturateur interne peut «maintenir» la dysfonction. L'hypertonie de ce muscle peut être la conséquence d'une hypertrophie musculaire due à une pratique physique particulière, mais possiblement une réponse du réflexe myotatique face à une douleur pelvi-périnéale somatique issue du même métamère de ce muscle strié qui peut tout aussi alors concerner le muscle piriforme. La physiopathologie des syndromes myofasciaux est expliquée dans le livre de Travel et Simons (1983). Lorsque l'on unit métamérisation et douleurs projetées le diagnostic ostéopathique nous renvoie aux tests de quantité et de qualité de mouvement des articulations zygapophysaires rachidiennes. Chaque muscle en dysfonction interpelle l'ostéopathe sur la liberté de l'os sur lequel il s'insère : l'os iliaque, le sacrum mais aussi la coxo-fémorale. Je rappelle ici le lien anatomique entre le ligament rond de l'articulation coxo-fémorale et le ligament transverse de l'acétabulum. Lui même s'étend sur la bandelette sous pubienne et la membrane obturatrice sur laquelle s'enserre le muscle obturateur directement en relation avec le fascia d'Alcock. l'aponévrose du muscle obturateur interne rejoint le fascia latéro-vésical qui devient pré-vésical, les ligaments pubo-vésicaux formant un véritable hamac antérieure à la vessie. Voilà comment anatomiquement coxo-fémorale et vessie sont liées (Croibier, 1991). On pourrait aussi faire une telle description du diaphragme à la vessie via le ligament falciforme puis l'ouraque, la vessie... (Barral J. P. 1993). Si le coccyx n'est plus oublié dans les diagnostics bassin, la symphyse pubienne ne doit pas l'être non plus afin de ne pas omettre une possible origine mécanique pouvant expliquer une contrainte au niveau du canal sous pubien et de la branche terminale clitoridienne ou pénienne du nerf pudendal. C'est en testant les structures anatomiques en lien avec ces muscles et ces os que la prise en charge globale va se mettre en place. On peut tester par exemple la tension des ligaments sacro-épineux et sacro-tubéraux. L'ostéopathe tend à débusquer l'excès ou le manque de tension sur un des haubans maintenant « le mât du bateau » qui pourrait être la cause d'une avarie. En ostéopathie on parle aussi de « motilité ». C'est la capacité propre à chaque structure anatomique de se mouvoir selon son propre mouvement intrinsèque perceptible à la palpation fine. Elle se teste aussi et est normalement équilibrée en force comme en amplitude tel un balancement en aller-retour d'égale amplitude, avec un rythme harmonieux et une fréquence synchrone au reste du corps. Une antéversion de l'utérus par traction bilatérale des ligaments ronds n'est pas sans répercussion fasciale sur le sacrum via les ligaments sacro-utérins très tendus et donc sur la position du sacrum fixant d'éventuelles dysfonctions de l'articulation sacro-iliaque... et inversement (Barral, 1993).

Une fois le diagnostic de fonctionnement du système du patient établi, l'ostéopathe va établir un axe de traitement, de correction, adapté à sa compliance au changement. Traiter un patient atteint de fibromyalgie ou d'un syndrome douloureux régional complexe nécessite une approche beaucoup plus contenue et douce qu'un jeune sportif. Il en est de même chez les patients atteints de douleurs abdomino-pelvi-periénales chroniques.

Le seuil d'excitation neurologique de la douleur ne doit pas être dépassé. Il est un frein à l'enchaînement des techniques. C'est aussi une des raisons pour laquelle, selon mon expérience, l'action thérapeutique ostéopathique des patients douloureux chroniques abdomino-pelvi-périnéales doit s'étaler sur un contrat de 3 séances, passé avec le patient, avant de tirer un quelconque bilan d'évaluation des bienfaits, ou non, du traitement. A l'issu de ce laps de temps, s'il n'y a eu aucun effet, le patient doit être réorienté vers un autre thérapeute et ne pas être « lâché dans la nature » comme le martèlent certains patients. Ils se sentent alors abandonnés pour quelques uns et coupables pour d'autres de ne pas répondre au traitement. Enfin, dans le pire des cas, en laissant s'égarer ces patients un sentiment d'injustice naît envers les soignants ce qui sera un frein au progrès vers la guérison. REF Thibault Si, par contre, le patient se dit amélioré, la prise en charge peut se poursuivre en espaçant les séances en fonction de l'intensité douloureuse récurrente.

Dès lors, l'ostéopathie s'impose dans le champ de la prise en charge multidisciplinaire du patient souffrant de douleurs chroniques abdomino-pelvi-périnéales par la recherche des restrictions de mobilités articulaires, par la recherche de tensions musculaires, ligamentaires, viscérales, par la détection d'une modification des forces de contraintes modifiant la plasticité des tissus se répercutant sur l'ensemble du corps. Se passer d'une telle approche holistique dans le traitement des douleurs chroniques abdomino-pelvi-périnéales serait rédhibitoire si l'on comprend que le bassin et le périnée subissent la somme des contraintes mécaniques qui s'imposent à l'homme. Réintroduire le symptôme douloureux abdomino-pelvi-périnéal dans une prise en charge globale du patient est en général bien perçu par l'intéressé.

Traiter dans la globalité ne signifie pas sans précision. Au contraire ! L'enchaînement des techniques doit répondre aux besoins de chaque patient par des techniques s'intéressant aux forces ascendantes (tel le principe des chaînes musculaires de Léopold Busquet (2010) ou descendantes (Upledger 1995). A chaque modification de l'équilibre du bassin s'impose une adaptation de la tonicité musculaire, des ligaments, des organes, des tissus (la dure-mère qui se termine au niveau du sacrum), des articulations, de l'ensemble du rachis (via les articulaires postérieures de L5/S1), des membres inférieurs sans oublier les côtes (notamment la douzième liée à la crête iliaque par le muscle carré des lombes)... Réaliser des manipulations du rachis sans précision, sans savoir à quelle structure anatomique on s'adresse est le meilleur moyen d'enflammer une zone en provoquant une décompensation inflammatoire.

A l'instar de l'immunothérapie et de la particularité de chaque patient, il n'existe pas une solution thérapeutique ostéopathique mais autant de traitement possible qu'il existe d'histoires. Être capable de s'adapter à son patient est une force du praticien et de cette thérapie manuelle mais aussi une de ses faiblesses car il n'existe pas de traitement protocolaire. De plus, parce que la sensibilité de chaque thérapeute est différente, parce que les formations initiales ne sont pas toutes identiques car non universitaires, parce que la formation continue est pratiquement inexistante et coûteuse l'ostéopathie présente aussi des faiblesses. Elle n'est pas la solution à tous les maux des patients. Cependant, parce qu'elle propose une autre approche et des résultats, elle doit s'intégrer à une équipe de prise en charge de douleur multidisciplinaire. Ces échanges et interactions sont autorisées depuis 2016.[6]


Bibliographie :

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[1] Benchmarks for Training in Osteopathy » accessible sur le site de l'Organisation Mondiale de la Santé https://apps.who.int/medicinedocs/fr/m/abstract/Js17555en

[2] Loi du 4 mars 2002 avec décret d'application N°2007-435 du 25 mars 2007

[3] Pr Maigne in « Le Particulier Pratique » N° 222 février 1998 p. 42-43

[4] « L'Homme » de René Descartes (éditions de 1662 et 1664): Physiologie et mécanisme LEGÉE.G, Communication présentée à la séance du 19 décembre 1987 de la Société française d'Histoire de la Médecine, 1987

[5] Merskey H, Bogduk N. Classification of chronic pain : Descriptions of chronic pain syndromes and definitions of pain terms. Seattle : IASP Press, 1994.

[6] Décret n° 2016-994 du 20 juillet 2016 relatif aux conditions d'échange et de partage d'informations entre professionnels de santé et autres professionnels des champs social et médico-social

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